Procédure de renouvellement du contrat de délégation du service public de la desserte maritime de la Corse

Le Conseil d’État rejette le recours de la société Corsica Ferries tendant à obtenir l’annulation intégrale de la procédure de renouvellement du contrat de délégation du service public de la desserte maritime de la Corse.

Par une précédente décision, en date du 15 décembre 2006, le Conseil d’État avait annulé la procédure de renouvellement du contrat de délégation du service public de la desserte maritime de la Corse, entre les ports de Marseille, d’une part, et de Bastia, Ajaccio, Balagne, Porto-Vecchio et Propriano, d’autre part, pour la période couvrant les années 2007 à 2013. La collectivité territoriale de Corse, tout en prorogeant de 4 mois le contrat en cours, dont est titulaire la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM), a alors lancé, par l’intermédiaire de l’Office des transports de la Corse (OTC), un nouvel avis d’appel public à la concurrence. Deux candidatures ont été reçues, l’une émanant de la société Corsica Ferries, l’autre d’un groupement constitué de la SNCM et de la société Compagnie méridionale de navigation (CMN). Ces candidatures ayant été jugées recevables, des négociations se sont engagées avec les sociétés en cause, sur la base des offres qu’elles avaient été admises à présenter ; à l’issue de cette phase de négociation, il a été proposé à l’assemblée de Corse de retenir la candidature du groupement SNCM-CMN.

La société Corsica Ferries a alors saisi le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Bastia d’une demande tendant à l’annulation de cette nouvelle procédure de passation. Par une ordonnance du 27 avril 2007, le juge des référés a partiellement fait droit à sa demande en annulant la seule phase de négociation de la procédure, en raison d’une rupture d’égalité entre les candidats ; il a également annulé, par voie de conséquence, la décision de retenir la candidature du groupement SNCM-CMN et de proposer à l’assemblée de Corse de conclure le contrat avec ce groupement.

La société Corsica Ferries a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État contre cette ordonnance, en tant qu’elle ne lui avait pas donné entière satisfaction. La société requérante critiquait l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bastia sur deux points principaux qui, mettant en cause pour l’essentiel des appréciations de fait, ne relevaient pas du contrôle de cassation du Conseil d’État, sauf à ce que ces appréciations soient erronées au point de révéler une dénaturation des pièces du dossier.

En premier lieu, en effet, la société Corsica Ferries reprochait au juge des référés d’avoir écarté son argumentation selon laquelle, en prévoyant que les navires utilisés par le délégataire devraient obligatoirement avoir été mis en service après le 1er janvier 1987, c’est-à-dire avoir moins de vingt ans, le cahier des charges de la délégation, plus exigeant en cela que la réglementation en vigueur, avait pour effet de privilégier la candidature du groupement SNCM-CMN, dont la flotte était la seule à satisfaire très largement à cette exigence.

Sur ce point, le Conseil d’État a fait application de sa jurisprudence constante selon laquelle des spécifications techniques plus exigeantes que celles résultant de la réglementation en vigueur peuvent être fixées par le règlement de la consultation ou le cahier des charges d’un contrat de délégation de service public, sous la réserve que, si ces spécifications ont pour effet de limiter la concurrence entre les candidats potentiels, elles doivent être justifiées par les nécessités propre au service public faisant l’objet de la délégation. En l’espèce, il a estimé que le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Bastia n’avait pas dénaturé les pièces du dossier en jugeant que les spécifications du cahier des charges relatives à l’âge des navires étaient justifiées par l’objet de la délégation et les nécessités propres du service et n’étaient pas disproportionnées par rapport à celles-ci, compte tenu notamment, d’une part, des pratiques généralement admises en Europe en ce qui concerne l’ancienneté maximale des navires prévue dans les contrats de transport maritime et, d’autre part, des impératifs de sécurité et de qualité du service.

En second lieu, la société Corsica Ferries soutenait qu’en fixant au 1er mai 2007, soit au début de la période des réservations estivales, la date de début de la nouvelle délégation de service public, la collectivité territoriale de Corse avait excessivement défavorisé les entreprises autres que le délégataire sortant, en les empêchant de disposer, en cas d’attribution du contrat, du temps nécessaire pour redéployer leur flotte afin d’être en mesure d’exploiter les liaisons maritimes faisant l’objet de ce contrat. Là encore, toutefois, le Conseil d’État, prenant en compte la circonstance que la procédure de passation contestée faisait suite à une précédente procédure annulée, a estimé que le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Bastia n’avait pas dénaturé les pièces du dossier en jugeant qu’il n’était pas établi que les difficultés liées à la date de mise en service retenue affecteraient uniquement les candidats autres que le délégataire sortant.

Le Conseil d’État a, en conséquence, rejeté le pourvoi en cassation de la société Corsica Ferries. Ce rejet a pour effet de permettre à la collectivité territoriale de Corse, conformément à l’ordonnance du juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Bastia, de poursuivre la procédure d’attribution de la délégation de service public en cause en la reprenant, ainsi qu’elle l’a d’ailleurs d’ores et déjà fait, au stade des négociations avec les deux candidats admis à présenter une offre.

Source : Conseil d'Etat